Hélène Bertin, « dansetremblenage » - Ressources pédagogiques

Biographie

Née en 1989 dans le Luberon, Hélène Bertin vit et travaille à Cucuron (Vaucluse).

Hélène Bertin a étudié à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon, puis à l'École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy où elle est diplômée en 2013. Elle y commence des recherches autour du travail de l'artiste Valentine Schlegel qui marque sa pratique. Celle-ci oscille entre la sculpture et la recherche. 
Dans son atelier à Cucuron, son village natal, Hélène Bertin invite d'autres artistes, des associations, des artisans, des paysans ou habitants pour mener des projets de création en relation. Ses œuvres témoignent d'une attention portée aux objets et aux pratiques permettant d'associer les usages du quotidien à la recherche plastique. Hélène Bertin s'intéresse aux savoir-faire, à l'artisanat et aux mises en récit. Partant des objets et de leurs modes de production, des émotions qui leur sont associés, des énergies dont ils sont chargés, elle se nourrit des rencontres, de ses cueillettes et des paysages traversés.

Elle a exposé au sein d'espaces alternatifs (Pauline Perplexe, DOC), d'institutions publiques (Le 19 Crac, Montbéliard, CAC Brétigny, château d'Oiron, Palais de Tokyo, Le Creux de l'Enfer) ou privées (Fondation Ricard, Lafayette Anticipations). Elle a été commissaire des expositions consacrées à Valentine Schlegel (Tu m'accompagneras à la plage, 2019, Crac Occitanie, Sète et Cette femme pourrait dormir dans l'eau, 2017, CAC Brétigny). 
Elle a également conçu les ouvrages Valentine Schlegel : je dors, je travaille (2017, graphisme Coline Sunier et Charles Mazé, éditions future), Le chant de la Piboule, conte (2019, graphisme Lionel Catelan, édition La Nòvia) et Coucou cougourdon (2021, entretien avec Yussuf Henni, graphisme Tom Henni).

Hélène Bertin a été lauréate du prix AWARE en 2019, nommée au 23e Prix Fondation Pernod Ricard (2022) et pensionnaire de la Villa Médicis (2023-2024). 

Abécédaire

Artisanat : ensemble des métiers et activités qui impliquent la création, la transformation ou la réparation manuelle d'objets. L'artisanat mobilise des techniques et des savoir-faire spécifiques, souvent anciens, et s'oppose à la fabrication industrielle. Hélène Bertin fait usage de ces savoir-faire dans son travail (en céramique, vannerie ou ébénisterie).

Atelier : lieu de travail de l'artiste, un espace de recherche et de création. Hélène Bertin a son atelier à Cucuron, dans le Luberon. En 2025, son atelier est devenu nomade puisqu'elle a réalisé ses œuvres dans différents espaces.

Assemblage : en art, technique consistant à créer une œuvre tridimensionnelle en combinant divers matériaux ou objets hétérogènes, souvent des éléments trouvés ou récupérés, pour former une sculpture ou une installation. Hélène Bertin réalise la série danseureuses par assemblage.

Bois : des morceaux de bois cueillis, offerts ou ramassés dans différents territoires composent la série danseureuses, mais aussi le mobilier de l'exposition (les assises de la deuxième salle sont faites à partir d'un ancien mât de voilier). La série de peintures ermitemarchesonge est réalisée sur des bois de luthiers (érable ondé, frêne, noyer).

Bois (essence de) : indique le type de bois et ses caractéristiques propres. Les essences de bois se classent selon trois grandes catégories : feuillus, résineux ou exotiques. Dans la série danseureuses, Hélène Bertin utilise des essences de bois provenant d'arbres fruitiers (cerisier, olivier, oranger, citronnier, prunier, noisetier, etc.) de plusieurs régions (Italie du Sud, Bretagne, Tarn, Massif central, Jura, etc.). L'artiste écorce leurs branches et ponce l'aubier pour en révéler la couleur. L'if se reconnait ainsi à son cœur brun orangé et rougeâtre.

Céramique : ensemble des techniques de fabrication d'objets en terre cuite. Hélène Bertin a une pratique de la céramique avec des cuissons longues au feu de bois.

Cueillette : fait de cueillir, de ramasser des fruits, des fleurs, des légumes ou autre. Pour Hélène Bertin, ce geste met en relation mouvement et paysage. Les objets de ses cueillettes se retrouvent dans les bois des danseureuses ou à l'intérieur des soigneureuses.

Culture ancestrale : désigne les traditions, croyances et pratiques qui remontent à des temps très lointains, souvent liées aux ancêtres ou à des événements historiques. Elle inclut les rites, les coutumes, les mœurs ou les traditions transmis de génération en génération, reflétant ainsi l'identité et la culture d'une communauté ou d'une civilisation.

Couleur : ton ou teinte symbolisant une émotion, un ressenti, ou évoquant différents éléments, naturels ou non. Hélène Bertin et sa mère Jocelyne Morawiak utilisent par exemple des pigments naturels extraits de la terre pour leurs peintures.

Candomblé : une des croyances les plus populaires au Brésil et d'autres pays voisins d'Amérique latine. Il se manifeste sous forme de rites, danses, musiques et fêtes, où l'on célèbre les orixás (prononcé « orichas »), des déesses et dieux associé.es aux éléments naturels (eau, forêt, feu, éclair, etc.). Mêlant croyances héritées des esclaves venus d'Afrique, des peuples amazoniens et du catholicisme portugais, le candomblé est une culture ancestrale toujours vive, en particulier dans la région de Bahia où Hélène Bertin était en résidence. 

Danse : art vivant, c'est un mode d'expression éphémère constitué de séquences de mouvements de corps dans l'espace, souvent accompagnés de musiques. La danse est considérée comme un art, un rite, un sport ou un divertissement. Elle permet d'exprimer par le corps, des idées, des émotions, ou de raconter une histoire.

Émotion : réaction subite et spontanée qui traverse le corps en réponse à une situation, un environnement ou des stimuli psychiques. Elle peut se manifester de façon physique (rougeurs, tremblement) ou physiologique (accélération cardiaque, libération d'hormones, rires, pleurs…). Hélène Bertin explore douze émotions différentes dans des récits mêlant témoignages intimes et contes. Ces textes sont à découvrir dans l'œuvre musardetournechante.

Écriture de soi : mise en récit des actions, des pensées et du parcours personnel de l'écrivain.e, indépendamment des genres littéraires. Elle permet de raconter des expériences intimes tout en floutant la frontière entre le public et le privé, favorisant ainsi l'idée de commun. Hélène Bertin a mené une résidence sur l'île Éolienne de Filicudi où elle a expérimenté pour la première fois l'écriture de soi.

Écosomatisme : approche qui articule l'écologie et la conscience du corps (somatique), en soulignant l'interdépendance entre le corps humain, les autres êtres vivants et les environnements naturels. Il s'agit d'une pratique ou d'une pensée qui reconnaît que notre rapport à la nature passe par le corps, et que le soin du vivant commence par une attention sensible à nos sensations, mouvements, et relations incarnées avec le monde. Elle implique souvent des pratiques somatiques (danse, mouvement conscient, méditation corporelle, etc.) pour réapprendre à sentir notre place au sein des écosystèmes.

Écoféminisme : courant philosophique, éthique et politique né de la conjonction des pensées féministes et écologistes. Il part du constat que les mêmes logiques de domination qui exploitent la nature (pollution, surexploitation des ressources…) sont aussi celles qui oppressent les femmes (inégalités, violences, etc.). Les écoféministes défendent une société plus juste, autant pour la planète que pour les êtres humains.

Écopsychologie : « champ émergent de la psychothérapie qui reconnaît qu'il ne peut y avoir de santé mentale sans relation saine avec l'environnement. » (Écospychologie, le soin de l'âme et de la terre, Théodore Roszak, Mary Gomes, Allen Kanner, ed. Wildeproject, 2023).

Fleurs : fraîches, séchées, ingérées ou exposées, les fleurs sont très présentes dans la pratique d'Hélène Bertin. Pour soigner, embellir ou créer, elles apportent un pan de nature vivante à des matériaux bruts et inertes.

Forme archétypale : un archétype (du grec arkhetupon, « modèle primitif ») est, en littérature et en philosophie, un modèle idéal (général) à partir duquel est construit, dans sa « forme », sa « matière », sa « fin », un sujet (qui appartient en quelque sorte à une série). En psychologie, un archétype est un symbole primitif et universel appartenant à l'inconscient collectif. En art, il s'agit d'un type original qui sert de référence pour l'élaboration d'autres œuvres ou concepts. Hélène Bertin dessine et sculpte des formes archétypales de corps en mouvement.

Graines : au cœur des sculptures de verre dans cette exposition, elles sont utilisées dans beaucoup d'œuvres de l'artiste. Elles symbolisent la vie, le renouveau et la nature, et ont été récoltées au gré de ses déplacements.

Geste : qu'il soit de cueillette, de danse, de création, le geste exprime un mouvement et une intention à travers une expression corporelle. Hélène Bertin questionne plus particulièrement dans sa pratique les gestes du, de la sculpteur.e.

Glaner : alliant déambulation et cueillette, le glanage désigne l'action de ramasser çà et là des éléments naturels. Ce geste fait partie intégrante de la pratique de sculpture d'Hélène Bertin. Le glanage s'étend aujourd'hui au-delà du champ agricole et désigne une démarche de récupération de restes matériels.

Guérison : processus par lequel les cellules du corps se régénèrent suite à une maladie ou aux conséquences d'une blessure, celle-ci peut être physique (musculaire, osseuse, ...) ou psychique (émotionnelle, ...). Hélène Bertin a mené un parcours de guérison de douze mois durant lequel elle a exploré différentes méthodes de soins somatiques.

Harmonie : accord parfait entre les différentes parties d'un ensemble.

Hamac : rectangle de toile ou filet suspendu par deux extrémités, utilisé comme un lit. Dans l'exposition d'Hélène Bertin, deux hamacs de toiles teintées de pigments végétaux et de cordes en chanvre sont installés, invitant les visiteur.euses à la lecture des textes d'Hélène Bertin. Ils rappellent les hamacs de son atelier et de son lieu de résidence au Brésil.

Huile végétale : à l'inverse des huiles minérales (paraffine, silicone) ou des huiles animales (foie de morue, cétacés), les huiles végétales sont issues de plantes oléagineuses (noix, graines ou fruits contenant des lipides). Elles sont souvent obtenues par pression à froid afin d'en conserver les qualités. Les huiles végétales peuvent être utilisées pour soigner, prévenir, soulager et panser. Elles font partie des éléments naturels contenus dans les sculptures en verre, les soigneureuses.

Introspection : connaissance intérieure que nous avons de nos propres sensations, états ou pensées. C'est aussi une méthode d'observation et d'analyse de soi.

Itaparica : île localisée dans la baie de tous les Saints, sur le littoral de la région de Bahia au Brésil. En langage tupi, Itaparica signifie « ceint par des pierres » en raison de la barrière de récifs qui longent sa côte océanique. L'île a été découverte en 1501 et fut colonisée par les Portugais dès 1509. Hélène Bertin y a séjourné en 2025, lors d'une résidence au Brésil.

Mouvement : changement de position du corps dans l'espace. Les sculptures d'Hélène Bertin évoquent des corps en mouvement, par leurs gestes de danse ou les fluides qui les traversent. Hélène Bertin a été elle-même en mouvement tout au long de cette année de recherche, traversant différentes géographies.

Matière : la matière en art désigne la substance utilisée par un artiste pour créer une œuvre. Il peut s'agir d'éléments préfabriqués comme le verre ou d'éléments naturels, comme le bois. La matière influence non seulement l'apparence visuelle de l'œuvre, mais aussi l'émotion ou les sensations qu'elle suscite. Le travail de la matière induit une approche sensible et sensorielle dans les œuvres d'Hélène Bertin.

Nature : désigne le monde physique, l'univers, l'ensemble des choses et des êtres (les merveilles de la nature) ; l'ensemble des forces considérés comme étant à l'origine des choses du monde (la loi de la nature) ; les principes et les forces vitales ; les éléments physiques non ou peu transformés par l'activité humaine ; ce qui est spécifique aux êtres vivants ; ce qui constitue la personnalité profonde de quelqu'un ; l'ensemble des caractères physiques d'une personne en particulier du point de vue de sa santé, de sa résistance (être de nature fragile). La nature dans ses différentes composantes et définition est au cœur de l'exposition d'Hélène Bertin.

Paysage : étendue spatiale naturelle transformée par les humains, qui présente une certaine identité visuelle ou fonctionnelle. En histoire de l'art, le paysage est un genre pictural qui porte un regard esthétique sur l'environnement. L'exposition d'Hélène Bertin présente une série de douze peintures de paysages, peintes par Jocelyne Morawiak. Entre figuration et abstraction, elles sont inspirées des photographies des voyages de sa fille et de ses ressentis intérieurs. On y devine par exemple la cascade de Mixila au Brésil ou les volcans des îles Éoliennes.

Rituel : ensemble de règles fixant le déroulement d'un cérémonial (magique, religieux, républicain, etc.). C'est aussi une manière de faire habituelle dans un groupe, une société, une période de l'Histoire… Lors de sa résidence au Brésil, Hélène Bertin a créé son propre rituel : chaque matin au lever du jour, elle traçait dans le sable des formes en mouvement qui lui ont inspiré plus tard la série soigneureuses.

Sculpture : représentation artistique en trois dimensions. La démarche artistique d'Hélène Bertin oscille entre la sculpture et la recherche, autour des gestes, des outils, des modes de fabrications, des rituels, de la danse ou des savoir-faire artisanaux.

Somatique : le terme "soma" vient du sanskrit "soma" et remonte à la racine proto-indo-européenne *seu-, qui signifie « jus ». En outre, "soma" provient du grec ancien qui signifie « corps ». Les origines du mot le relient aux concepts de substance et d'essence. Lors de son parcours de guérison, Hélène Bertin a pratiqué des soins somatiques, qui se concentrent sur la conscience corporelle et les sensations physiques, cherchant à établir une connexion plus profonde entre le corps et l'esprit.

Traumatisme : blessure causée par un agent extérieur, et l'ensemble des troubles résultant de celle-ci. En psychanalyse, un traumatisme fait référence à un évènement qui est la cause d'une émotion violente influant sur la personnalité de l'individu.e et pouvant entraîner des troubles durables. L'exposition dansetremblenage narre en creux le processus de guérison de l'artiste suite à un traumatisme passé.

Tremblement : contraction répétée et involontaire des muscles. Dans une situation de stress, de menace ou de peur, les animaux et les enfants tremblent naturellement, au contraire des adultes qui contiennent leurs émotions. Partant de ce constat, le traumatologue David Berceli développe depuis une trentaine d'années la méthode TRE (Tension and Trauma Releasing Exercises), qui consiste à libérer le stress et les tensions grâce à des exercices de tremblements corporels. Hélène Bertin a elle-même pratiqué des danses et des soins somatiques lui permettant de réactiver des tremblements instinctifs du corps.

Verre : matière obtenue par la fusion du sable. Hélène Bertin a réalisé la série des soigneureuses avec des verriers du Centre International de Recherche du Verre et des Arts plastiques (CIRVA) à Marseille. Les tubes de verre ont été travaillés au chalumeau afin de les tordre, de les rendre tremblants.

Pratiques de soins somatiques

L'exposition dansetremblenage de Hélène Bertin aborde la question du corps, de ses mouvements qu'ils soient internes ou externes, de gestes et de rituels. Le corps est appréhendé à la fois comme outil et sujet d'étude. Il apparaît dans les sculptures sous forme d'assemblages, de contenants ou de signes archétypaux intemporels. L'artiste adopte une approche holistique du corps, c'est-à-dire dans son entièreté, comme révélateur de traumatisme et source de guérison. Elle s'est nourrie de la pensée écosomatique, « un champ d'études et de pratiques où se travaillent le rejet de toute séparation entre le corps et ses Autres, et un sentir de soi comme milieu pour d'autres vivants - dont la présence rend possible notre propre vie.* »   

Pour cette exposition très personnelle, Hélène Bertin a suivi un parcours de soin qui se révèle dans les différentes séries d'œuvres présentées : par exemple soigneureuses, ou musardetournechante qui contient des témoignages intimes de l'artiste mêlés à des récits contés. Les œuvres exposées sont le fruit d'un cycle de guérison et de recherches menés sur 12 mois autour de rituels de soin, de danse et de création.  

Lors de ce cycle, Hélène Bertin a pratiqué différents protocoles de soins somatiques. Le terme "soma" vient du sanskrit et remonte à la racine proto-indo-européenne *seu-, qui signifie « jus ». En outre, "soma" en grec ancien signifie « corps ». L'étymologie du mot le relie aux notions de substance et d'essence.  

Hélène Bertin partage ici trois pratiques de soins somatiques qui l'ont aidée dans son parcours de guérison. Elles lui ont permis d'appréhender un stress post-traumatique, qui s'est révélé par le corps :  

-- L'EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une approche psychothérapeutique développée par la psychologue Francine Shapiro dans les années 1980. L'EMDR est une méthode qui repose sur l'idée que les traumatismes non résolus peuvent immobiliser l'individu dans un état de détresse émotionnelle. Cette thérapie utilise les mouvements oculaires comme base de traitement des traumatismes et événements douloureux, désensibilisant et retraitant les informations négatives.

-- La pratique IFS (Internal Family Systems) a été développée par Richard Schwartz dans les années 1990. Ce modèle psychothérapeutique s'appuie sur deux principes fondamentaux : la multiplicité des sous-personnalités et la reconnaissance de ces parties pour créer un espace de guérison.

-- La méthode ICV (Intégration du Cycle de la Vie) est une approche thérapeutique qui s'appuie sur les neurosciences pour traiter les traumatismes psychologiques et somatiques. Développée par Peggy Pace dans les années 2000, elle vise à favoriser la réorganisation des souvenirs et des émotions liées à des événements vécus, en utilisant une ligne du temps. Celle-ci, à travers la visualisation et un processus de réintégration, permettrait au système nerveux de reconnaître les traumatismes passés et par la répétition structurée, aiderait le cerveau et le corps vers une guérison naturelle. 

Hélène Bertin s'est aussi intéressée aux études en écopsychologie menées par le Dr. Stephen Porges, notamment sur le système nerveux. Dans les années 1990, il développe la théorie polyvagale, qui met en lumière le rôle crucial du nerf vague (nerf crânien) dans la régulation émotionnelle, sociale et physiologique. Cette théorie crée une passerelle entre la biologie et la psychologie. Elle présente une approche intégrative pour aborder des problématiques allant des traumatismes psychologiques aux relations interpersonnelles. Dans un monde où le stress et l'anxiété sont omniprésents, la polyvagalité tente de découvrir comment notre corps et notre esprit interagissent. Ces connaissances facilitent des pratiques adaptées pour améliorer l'équilibre nerveux et favoriser des connexions saines avec notre environnement**.

Outre ces pratiques thérapeutiques, l'écoute des sensations du corps se révèle être un outil d'importance dans la compréhension de soi, la détection de zones traumatiques et l'appréhension du bien-être personnel.  

Hélène Bertin cite Peter Levine, docteur en sciences médicales et biologiques et fondateur du Somatic Experiencing Trauma Institute aux États-Unis. Dans son ouvrage Réveiller le tigre (guérir le traumatisme) (éd. Socrate Prmarex, 2008, rééd. Interéditions, 2024), il évoque l'importance d'être à l'écoute des sensations corporelles et de les travailler pour engager un processus de guérison. « Si vous ne pouvez ni fuir ni combattre, vous gelez votre vie psychique mais si l'on vous aide à agir physiquement ou mentalement, vous pouvez échapper au traumatisme », écrit-il. 

Les travaux menés sur le Continuum ont également été nourriciers pour l'artiste : le Continuum est un mouvement d'exploration somatique fondé par l'américaine Émilie Conrad (1934-2014) depuis la fin des années 1960. Elle a mis en évidence le mouvement fluide et ondulatoire qui imprègne le monde du vivant, de la cellule, à l'embryon, aux méandres des rivières, jusqu'aux spirales des galaxies. Cette exploration s'expérimente par le mouvement, le souffle et des sons spécifiques qui vont activer le système des fluides du corps humain [tels les tissus conjonctifs, fascia, liquide céphalo-rachidien, sang, lymphe…].  

Ce lien entre éléments naturels et fluidités (créatrices, guérisseuses…) est présent à multiples reprises dans dansetremblenage. L'artiste nous accueille dans un cheminement intime et de guérison dont le principal vecteur est le corps. 

Écosomatiques : penser l'écologie depuis le geste, Joanne Clavel, Isabelle Ginot, Marie Bardet, Éditions Deuxième époque, 2019.

** En savoir plus : Chapitre 18. Apport de « la théorie polyvagale des émotions » de S. W. Porges à la psychothérapie des états dissociatifs, par Michel Schittecatte, in "Les fondements des psychothérapies" sur www.cairn.info  

Danse et tremblement

Pendant 10 ans, Hélène Bertin a mené des projets collectifs. L'année dernière, elle a vécu un retour traumatique qui s'est manifesté par le corps. Elle a alors cherché à guérir de ce traumatisme par le mouvement, la danse, des pratiques somatiques et ancestrales.

Dans l'exposition dansetremblenage, Hélène Bertin présente la série soigneureuses issue d'une résidence au Brésil : elle y a pratiqué des danses rituelles de tremblement et des rituels créatifs : chaque matin, au lever du jour, elle traçait des dessins éphémères dans le sable. Ces dessins lui ont inspiré plus tard des croquis qu'elle a confiés à des verriers lors de sa résidence au Cirva à Marseille.

Dans la région de Bahia au Brésil, Hélène Bertin a rencontré les communautés candomblés. Le candomblé est l'une des croyances les plus populaires au Brésil et d'autres pays voisins d'Amérique latine. Elle s'incarne à travers des rites, des danses, des musiques et des fêtes, où l'on célèbre les orixás (prononcé « orichas »), des déesses et dieux associé.es aux éléments naturels (eau, forêt, feu, éclair, etc.). Lors de ces cérémonies, les participant.es pratiquent des danses de tremblement* qui ont une dimension de guérison spirituelle.

Hélène Bertin a fait le lien avec des pratiques de soin qui utilisent le tremblement pour libérer l'énergie traumatique des corps - par exemple la méthode TRE (Tension and Trauma Releasing Exercises), développée par le traumatologue David Berceli depuis une trentaine d'années. Ou encore, la méthode BMC (Body-Mind Centering), qui est une approche pédagogique d'éducation somatique par le mouvement et le toucher. Conçue par Bonnie Bainbridge Cohen, elle se concentre sur l'étude du corps en mouvement, de l'anatomie et de la physiologie. Cette méthode invite à une découverte des systèmes du corps et à une prise de conscience des habitudes de mouvement, afin d'en élargir la gamme des possibles. Elle est utilisée dans divers domaines tels que la danse, le yoga, l'art, l'ergothérapie, la kinésithérapie, l'ostéopathie, la psychothérapie, la médecine, et le développement de l'enfant.

L'intérêt d'Hélène Bertin s'est également porté sur les travaux de chercheur.euses sur les états de transe - induits par le mouvement tremblé ou la respiration - et leurs effets sur le cerveau. Parmi les recherches sur les effets subjectifs et objectifs de la transe sur le cerveau (TCAI : Transe Cognitive Auto Induite) Christian Graff ou Corine Sombrun à l'université d'Aix-Marseille ont pu observer au travers d'IRM l'activité du cerveau en état de transe cognitive. Ces résultats sont aujourd'hui considérés dans une perspective de soins psychiatriques.

Après le Brésil, Hélène Bertin a poursuivi ses explorations autour du corps en mouvement et plus particulièrement autour de la danse contact improvisation en Dordogne, au sein du collectif Larret en mouvement. On y développe des recherches autour des gestes de danse dans une dimension écologique où les pratiques somatiques, la permaculture, l'éducation et l'alimentation sont pensées en interconnexion.

La danse contact improvisation** est un système de mouvement initié en 1972, par le chorégraphe américain Steve Paxton. Cette danse improvisée repose sur la communication entre deux corps en mouvement en contact physique, et sur leur relation conjointe soumise aux lois physiques : la gravité, l'élan, l'inertie. Le contact improvisation nécessite un aiguisement sensoriel et attentionnel à soi et à l'autre : la pratique inclut rouler, tomber, être la tête en bas, suivre un point de contact physique, et alternativement soutenir, porter son poids ou celui de son, sa partenaire. Le corps, pour s'ouvrir à ces sensations, apprend à libérer les tensions musculaires excessives et à abandonner une certaine forme de volonté pour expérimenter le flux naturel du mouvement.

Bibliographie

La bibliographie de l'exposition danstremblenage d'Hélène Bertin propose de ralentir, de réaffirmer le droit au repos et de faire appel à l'amitié ou à l'imagination comme outils de guérison et de transformation sociale. Des liens profonds apparaissent entre le corps, les émotions, les relations intimes choisies face aux systèmes de domination. Écologie, soin, mémoire, féminismes et luttes antiracistes s'articulent dans un élan de transformation collective.

-- Le chant de la Piboule, livre (conte), éd. Facette, collectif La Nòvia, 2020
-- Valentine Schlegel : je dors, je travaille, catalogue monographique, éd. Hélène Bertin, <o> future <o>, CAC Brétigny, 2017

-- David Abram, Devenir animal : Une cosmologie terrestre, Éditions Dehors, 2024
-- Myriam Bahaffou, Eropolitique. Ecoféminismes, désirs et révolution, édition Passager clandestin, 2025 
-- Marie Bardet, Joanne Clavel et Isabelle Ginot, Écosomatiques - Penser l'écologie depuis le geste, éditions Deuxième époque (2018) 
-- Emma Bigé, Mouvementements - Écopolitiques de la danse, édition La découverte, 2023 
-- Hubert Godart, Une respiration, édition Contredanse, 2021 
-- Hélène Giannecchini, Un désir démesuré d'amitié, éditions Seuil, 2024 
-- Alexis Pauline Gumbs, Non-noyées, Leçons féministes Noires apprises auprès des mammifères marines, éditions LLL, Les liens qui libèrent et Burn-Août, 2024 
-- Tricia Hersey, Rest Is Resistance Free yourself from grind culture and reclaim your life, edition Aster, 2022 
-- Audre Lorde, Sister Outsider, édition Mamamelis, 2018 
-- Resmaa Menakem, Les mains de ma grand-mère - Guérir nos cœurs et nos corps du trauma racial, Quantum Way Eds, 2024 
-- Emily Nagoski, Je jouis comme je suis, édition Leduc, Paris, 2015 
-- Romain Noël, La Grande Conspiration Affective, édition Seuil, 2024 
-- Steve Paxton, La Gravité, éditions Contredanse, 2018 
-- Theodore Roszak, Allen Kanner, Mary Gomes, Ecopsychologie, le soin de l'âme et de la terre, Wild Project, 2023 
-- Léa Rivière, L'odeur des pierres mouillées, éditions du commun, 2023 
-- Laura Vasquez, Les Forces, les éditions du sous-sol, 2025    

Enfance

-- Anne LLenas, La couleur des émotions, Quatre fleuvres éditions, 2014 
-- Tina Oziewicz, Nous, les émotions, La Partie éditions, 2021 
-- James Norbury, Grand panda et petit dragon, éditions Le lotus et l'éléphant, 2022 
-- Lisette Lombé, À hauteur d'enfants, Cot cot cot éditions, 2023 
-- Marie Poirier, Aujourd'hui on danse et demain on recommence, éditions Les grandes personnes, 2024 
-- Hervé Tullet, La danse des mains, Bayard Jeunesse, 2022  

Jeunesse   

-- Diglee - Clémentine Beauvais, Je serai le feu, éditions La ville brûle, 2020 
-- Marie Poirier, Marcella, Les gens qui dansent, Les Venterniers éditions, 2020 
-- Thomas Vinau, Lulu Skopi, Les gens qui tombent, Les Venterniers éditions, 2022 
-- Jessica Beauplat, Le corps dans tous ses états, éditions Écosociétés, coll. Radar, 2025 
-- Camille Toffoli, S'engager en amitié, éditions Écosociétés, coll. Radar, 2023

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L'exposition