impression sur bâche, caisson lumineux, châssis en bois 304 x 239 x 50 cm
dessin mural à la mine graphite, dimensions variables

L’œuvre Paysage (2007), large caisson lumineux solidement ancré dans le sol de la galerie, éclaire la photographie d’un plateau d’Ecosse, vaste étendue aride balayée par le vent et les nuages.

Mais ce n’est pas tout. La lumière qui se diffuse du caisson photographique irradie discrètement vers une masse flottant sur une des parois du centre d’art : il s’agit d’un dessin mural réalisé par l’artiste au graphite, dessin esquissant un bloc en cours de formation, suggérant un mouvement, une modulation, un surgissement ou au contraire un effacement. De cette masse affleure l’inscription suivante : Alors, il y a cette île.

D’où cet autre constat de débordement : le dessin échappe à sa propre condition de disegno c’est-à-dire à la tentative d’une représentation parfaite et idéale de la réalité. En premier lieu, le dessin n’est pas une ligne mais une masse informe. Ensuite, lorsque le dessin devient tracé, il le devient dans sa seule condition d’écriture. Ce tracé en écriture porte en lui-même un autre paradoxe : il acquiert une dimension graphique non pas simplement pour faire signe, décrire et faire sens, mais plutôt pour visualiser l’amorce d’une dissémination de la lettre et de l’image. En effet, la typographie « racine » conçue par Jocelyn Cottencin engage l’œuvre dans un processus de prolifération et de transformation. Le dessin, le graphisme et l’écriture se ramassent donc dans la qualité matérielle de l’informe et dans l’acte performatif d’énonciation plutôt que dans celui de la description ou de l’explication. Ou comment visualiser l’en-deçà de l’écriture et de la représentation visuelle. L’énoncé lui-même, « Alors, il y a cette île », n’a rien d’un récit explicite : à l’inverse d’une indication exotique, il rend sensible un ailleurs, une insularité directement inscrite dans le bâtiment du centre d’art et au cœur de la construction subjective du visiteur.

L’ailleurs ça a lieu ici-là : souci de soi et fabrique de l’art. Avec la proposition de Jocelyn Cottencin, c’est la notion de territorialité possédée et définie qui s’effondre au profit des qualités propres à l’insularité qui sont celles de la dérive bénéfique, de l’ouverture à l’étrangeté, du passage entre des espaces forcément contradictoires.

Larys Frogier « Dropping Pictures », Just a Walk, Rennes : Lieuxcommuns, co-édition Frac Bretagne, La Criée centre d’art contemporain, Rennes, 2008.

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