Rencontre avec les Ateliers du regard

Les 17 et 18 novembre, La Criée a accueilli les Ateliers du regard, des cours d'histoire de l'art participatifs proposant des rencontres avec l'art contemporain et ses enjeux. Ces ateliers, menés par Véronique Boucheron avec le PHAKT - Centre culturel Colombier, invitent à la construction et la mise en commun d'expressions critiques et sensibles. À l'issue de la visite dansetremblenage d'Hélène Bertin, des "regard'heureuses" nous ont partagé leurs impressions et photographies.

Retour de Claire

Ma première impression en entrant devant tout ce blanc et ce bois blond, c'est un accueil paisible et doux. Puis, au centre de la grande salle sur un socle en forme d'amande ou pourquoi pas de calisson d'Aix, ces tubes probablement en verre avec des huiles et des graines, éléments végétaux et même une mue de serpent.

C'est l'artiste, Hélène BERTIN qui les a glanés comme le bois des sculptures sur les murs, lors de ses promenades dans la nature. La sculpture, Hélène BERTIN l'a apprise et travaillée avec Valentine SCHLEGEL, artiste en céramique.

Les tubes colorés, ocre-roux, vert pâle, jaune d'or, me font penser à des chromosomes un peu fous pour certains par rapport à X ou Y.

En cercle, nous échangeons sur notre premier ressenti puis arrive le rituel de passation d'un tube en verre d'Hélène BERTIN avec deux huiles et des graines rouges. L'huile noire au fond vient du chanvre. C'est fragile ! C'est l'artiste qui a souhaité rendre accessible un tube spécial qu'on peut toucher. Les passations sont délicates et respectueuses, le tube se « chauffe ». Bien sûr, j'ai envie tout de suite de vérifier la fluidité du liquide dans le tube et je l'incline en essayant de boucher avec un doigt ce qui a été signalé comme une petite fuite. Ô transgression furtive qui me laisse un peu d'huile sur un doigt ! Ne pas toucher dans une exposition aussi sensuelle me semble difficile. Les sculptures des murs, les danseureuses, en bois écorcé blond pour la plupart et noir pour quelques branches, je peux avoir envie de les caresser. J'aime le bois, chaud et proche. Mais là, je me retiens comme pour le cuir des petits tableaux ronds, des peintures sur bois, de la petite salle d'à côté.

Véronique donne des précisions. Les sculptures en bois sont au nombre de douze, la douzième est grande et seule dans la petite pièce près du vestiaire. Les tubes en verre fabriqués spécialement à Marseille, au CIRVA à partir de tubes à essai par des professionnels du verre sont aussi au nombre de douze, ce sont les soigneureuses
Douze est un nombre symbolique, appelé 'sublime' en mathématiques car ses diviseurs (1, 2, 3, 4, 6 et 12) sont au nombre de 6, qui est un nombre 'parfait ' et leur somme (28) est aussi un nombre parfait. Douze revient dans les signes du zodiaque, les mois de l'année, etc.

Dans l'ermitemarchesonge de Jocelyne MORAWIAK, douze peintures sur bois d'érable ondé, frêne ou noyer sont réalisées à base d'un liant de gomme arabique et de pigments variés, reflets des voyages et des souhaits d'Hélène BERTIN : terre pourrie, terre d'ombre naturelle de Chypre, terre de Sienne brûlée des Ardennes, ocre Havane, ocre marron de Vaucluse... La musardechante, roue de charrette faite d'ocre, de cuir, de bois et de métal, contient douze textes qui portent des noms évocateurs : 'Anticipation, Colère, Dégoût, Amour, Allégresse, Confiance, Joie, Surprise, Sérénité, Peur, Tristesse et Morbidité'. Douze états, des émotions vécues probablement par l'artiste pendant son année de thérapie-par-l'art.

Véronique explique qu'Hélène BERTIN, originaire du sud-est de la France, a vécu un an à Rome dans la Villa Médicis qui accueille les artistes lauréats du 'Prix de Rome' et qu'elle est allée souvent à Naples, qu'ensuite, elle a vécu en Dordogne et a fait un séjour au Brésil. Dans ces différents lieux, l'artiste a travaillé avec des danseuses et danseurs car elle avait besoin d'ouvrir son corps, de le faire bouger après un long temps de posture fermée à cause de la poterie. Parmi des danses rituelles, elle a connu la technique du 'tremblement', d'où le titre de l'exposition dansetremblenage. La pratique de la danse dans différentes cultures et ses habitudes de marche et de glanage dans la nature sont à l'origine de ses créations pour cette exposition à la Criée de Rennes.

Une telle visite qui associe le ressenti initial, la description factuelle, les associations personnelles et un apport biographique donne du sens aux installations, à côté desquelles je pourrais passer...indifférente.

Retour de Funda

Le bois, la matière, et la façon dont l'artiste les fait respirer m'ont profondément touchée. Les danseureuses, curieusement, ne m'ont pas vraiment évoqué la danse. Le mouvement du corps était presque absent, ou juste une trace, un souffle. Je voyais plutôt des motifs de kilim, des marques de tatouage, ou des signes anciens. 
Et pourtant… quelque chose vibrait. Une danse intérieure, silencieuse, comme si les formes cherchaient à libérer des émotions enfouies et à les faire remonter à la surface. Une danse qui ne se voit pas, mais qui se ressent. 
J'ai aussi aimé la manière dont l'artiste nous invite à entrer dans son univers : les hamacs pour suspendre le corps, les textes que l'on tire au hasard comme on tire un fil dans une histoire, et cette simplicité d'installation qui, paradoxalement, donne beaucoup de force.