Exposition

Tout est politique

Willem


L’exposition Tout est politique de Willem à La Criée se compose d’un espace d’exposition d’une centaine de dessins de l’artiste allant des années 1970 à nos jours. Des affiches, revues et livres permettent d’apprécier les différentes collaborations de Willem aux périodiques et aux éditions alternatives. Un espace de consultation met à disposition des publics les ouvrages de Willem encore disponibles.

Willem, généralement avare en entretiens, a accepté pour cette exposition de se laisser filmer chez lui et de répondre aux questions de Luc Cottinat (éditions électriques). Cette projection vidéo permet une découverte passionnante du parcours du dessinateur et une meilleure connaissance de l’œuvre dessinée. Willem a réalisé un dessin mural le soir du vernissage.

Né en 1941 en Hollande, Willem développe très tôt son goût pour les images. Sans avoir encore constitué les importantes archives iconographiques sur les maladies de peau ou Jean-Paul II qu’il possède aujourd’hui, le jeune Bernhard Willem Holtrop s’intéresse déjà aux illustrations de Life Magazine, des publications médicales de son père ou à la vieille bible gravée de ses parents. A feuilleter les journaux auxquels il a participé à un moment ou à un autre (de Provo à Libération en passant par Hara-Kiri), à (re)lire la grande variété de ses livres, on songe que le travail de Willem s’est bâti autour des thématiques du sexe et de la politique. De fait, dès les années 1960 en Hollande, il s’applique à lier ces deux domaines : son journal God, Nederland & Oranje est saisi pour avoir présenté un portrait de la reine Juliana en prostituée derrière une vitrine. Par la suite, Willem continue de s’amuser de la vanité et du cul, de la peste brune et des totalitarismes.

Plus tard, après quelques rencontres, Willem conforte une image de personne laconique, portant un regard tout à la fois attentionné et corrosif sur le monde. Entre son travail quotidien pour Libération, celui pour Charlie Hebdo, un magazine d’actualité hollandais et de nombreuses autres collaborations, l’exactitude et la régularité sont de rigueur dans son emploi du temps. Mais le rythme soutenu ne diminue en rien la capacité d’empathie du bonhomme : « Non, je ne crois pas être beaucoup plus cruel qu’une boucherie (il rit). Non, certainement pas, non. J’essaye de reproduire un peu ce qui se passe dans ma tête et, par extension, dans la tête des autres, je crois. »

Willem est imaginatif dans la logique de l’absurde qu’il a choisie de montrer et de suivre. Tandis que les potaches les plus doués sont simplement capables de sentir le sens du vent en rejouant la blague que tout le monde attendait, Willem surprend, invente ses propres codes. « Que faut-il dessiner ? Des natures mortes ? Non, ça ne m’intéresse pas ! ». Car voilà, Willem a une culture graphique et politique solide, de celles qui vous incitent à regarder plus loin que le bout du crayon et imposent le recul comme une évidence. Pouvoir, mécanismes sociaux, dérives identitaires sont au menu de son éducation. Son père, chrétien et résistant, dont Willem découvre plus tard qu’il lit en cachette les publications de son anar de fils, marque fortement son enfance. Oui, bien sûr, il « essaye aussi d’amuser les gens » mais son humour n’est pas au service de l’audimat. Son plaisir de travailler avec des petits éditeurs « comme avec des copains » est bien le fait d’une autre logique.

Ne dessinant pas « pour accrocher aux murs », Willem expose pour « montrer un métier, celui de dessinateur de presse. » Tout est politique présente donc une rétrospective d’un travail multiple, implacable, rigolard et bien pensé.

Morvandiau



Œuvres produites

Willem

  • Tout est politique, 2001