Farid Redouani

né en 1977 à Tizi Ouzou, Algérie
vit et travaille à Alger, Algérie


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Farid Redouani, Mahchar, vue de l’exposition Ouvertures algériennes, créations vivantes, La Criée centre d’art contemporain, Rennes, 2003

production : La Criée centre d’art contemporain, Rennes

photo : Benoit Mauras

Mahchar, 2003

Mahchar n°1, huile sur bois 50 x 300 cm
Mahchar n°2, huile sur bois, 50 x 200 cm

« Concomitant de ses tableaux étroits et verticaux, Redouani crée également des peintures sur bois, tout aussi allongées mais cette fois exposées à l’horizontale. Ici, ce n’est plus le corps dans son entier qui est figuré, mais c’est un alignement répétitif de visages semblables qui investissent tout l’espace du tableau. L’étroitesse de ce dernier ne dépend plus tant du format que de la compression des visages les uns contre les autres. Plus ou moins dense, la disposition des visages variera d’un tableau à un autre, laissant l’impression d’une suffocation extrême ou d’une respiration minimale.

Dans la peinture de Redouani, le visage livide n’a rien d’une expressivité torturée comme on peut la trouver dans l’œuvre Le Cri d’Edward Munch, où la bouche du visage extériorise la peur qui déborde littéralement du tableau. Ici, tout est contenu dans une angoisse latente et un silence insupportable. » Dans le Coran, « Al Mahchar » désigne la Plaine du Rassemblement de l’Humanité le Jour du Jugement Dernier.

« Pour mieux appréhender l’importance du visage dans les œuvres de Redouani, il faut en fait se tourner vers les portraits du peintre kabyle M’Hamed Issiakhem (1928-1985), grand ami de l’écrivain Kateb Yacine. En effet, Issiakhem a peint des visages dont la puissance esthétique ne réside pas dans l’expressionnisme pathétique ou la ressemblance réaliste. Sans identités particulières, les visages fins et émaciés d’Issiakhem renferment une énergie latente souvent mêlée de tristesse. Il y a cette même puissance d’une humilité du visage chez Redouani. Toutefois, si Issiakhem réalisait bel et bien des portraits de lui-même et d’autres individus – ses proches ou des personnalités -, il est impossible de qualifier les visages de Redouani de portraits. Ce sont des visages sans qualités particulières si ce n’est l’universalité de l’intériorité et de la mélancolie. D’autre part, la technique picturale d’Issiakhem usait beaucoup des effets de la matière picturale, tandis que celle de Redouani est rétive à une matérialité qui délivrerait déjà trop d’énergie vivante aux visages. »

Larys Frogier, « Peindre vivre peindre », in Ouvertures algériennes, créations vivantes, catalogue de l’exposition, Rennes : La Criée, centre d’art contemporain, 2003


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Farid Redouani, Dans un cercueil, vue de l’exposition Ouvertures algériennes, créations vivantes, La Criée centre d’art contemporain, Rennes, 2003

production : La Criée centre d’art contemporain, Rennes

photo : Benoît Mauras

Dans un cercueil, 2003

huile sur bois, 300 x 25 cm

« Une des premières approches picturales de Redouani consiste à utiliser des panneaux de bois rectangulaires, très étroits et allongés, sur lesquels le peintre intervient pour remplir l’espace d’un corps amaigri, décharné et dépeint sans aucune fioriture.

La figure se tient à la verticale, face à notre regard, offrant son dépouillement plutôt que la plénitude de sa chair. Elle occupe tout l’espace du tableau mais, paradoxalement, elle n’impose rien d’une monumentalité envahissante. Ce qui intrigue également, c’est l’usage d’une couleur dominante comme le bleu ou le rouge. Froide ou chaude, la couleur demeure invariablement pâle du fait d’une sous-couche blanche qui transparaît au travers de la couleur dominante, tenant davantage à distance le spectateur hors de cet espace trop exigu. Il s’agit de créer un espace vital de la peinture et du corps pour mieux résister à un environnement qui empêche la respiration et la circulation. »

« De puissantes résonances à l’histoire de la peinture interviennent en rapport à cette approche originale de la figure. La première est celle, revendiquée par Redouani lui-même, de Rembrandt. L’actualité du peintre flamand tient dans ce pouvoir de la carnation par la peinture, que ce soit dans ses autoportraits ou dans ses scènes de dissection du corps animal ou humain. Le brossage des couleurs et la maîtrise du clair-obscur chez Rembrandt délivrent à la figure peinte une vie qui ne cesse d’affleurer et de bruire à la surface de la toile. La référence au peintre flamand peut étonner car, dans les tableaux de Redouani, on ne retrouve pas ce recours à l’étalement vibratoire de la matière picturale. D’une seule teinte et parfaitement lisse, la peinture désincarne le corps et le contraint dans un espace minimal. Toutefois, Redouani invoque Rembrandt pour tendre vers cette quête forcenée d’une vie à faire naître dans ses figures. Lorsqu’il parle de sa passion pour le clair-obscur, il déclare qu’il n’a pas encore atteint la lumière. L’usage prédominant de l’obscur sur le clair, on peut l’argumenter par le fait que la mort est encore trop omniprésente. »

Larys Frogier, « Peindre vivre peindre », in Ouvertures algériennes, créations vivantes, catalogue de l’exposition, Rennes : La Criée, centre d’art contemporain, 2003


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Farid Redouani, Cellule, vue de l’exposition Ouvertures algériennes, créations vivantes, La Criée centre d’art contemporain, Rennes, 2003

production : La Criée centre d’art contemporain, Rennes

photo : Benoit Mauras

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Farid Redouani, Cellule, vue de l’exposition Ouvertures algériennes, créations vivantes, La Criée centre d’art contemporain, Rennes, 2003

production : La Criée centre d’art contemporain, Rennes

photo : Benoit Mauras

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Farid Redouani, Cellule, vue de l’exposition Ouvertures algériennes, créations vivantes, La Criée centre d’art contemporain, Rennes, 2003

production : La Criée centre d’art contemporain, Rennes

photo : Benoit Mauras

Cellule, 2003

installation, bois, ciment, peinture, graffitis, matelas, aluminium
300 x 300 cm

En 2000, Farid Redouani avait réalisé une cellule de prison à Alger lors des “ Nuits de la correspondance ” organisées par le Centre Culturel français. Les visiteurs pouvaient alors pénétrer dans cet espace clos, y rédiger un courrier qui était ensuite déposé dans une boîte aux lettres et acheminé vers son destinataire par voie postale.

La cellule telle qu’elle est conçue par Farid Redouani entre en résonance avec son travail pictural où les corps et les visages sont enclos dans un espace minimal de survie. La cellule ne documente donc pas uniquement la réalité de la prison. Il s’agit davantage d’une métaphore de tout espace d’enfermement, de repli, faisant autant référence à un espace mental qu’aux conditions précaires de vie subies par la classe populaire algéroise.

Cette compréhension de la cellule comme un espace générique d’enfermement rejoint alors la série de triptyques photographiques de Khaled Belaïd. En effet, les photographies de ce dernier représentent l’inondation meurtrière du 10 novembre 2001 qui avait dévasté le quartier populaire de Bab-El-Oued dans lequel vit le photographe. Plus de 1 500 habitants avaient alors trouvé la mort, ensevelis sous des tonnes de boue et de détritus. Les photographies visualisent autant la dévastation du quartier que la chaîne d’entraide et de solidarité entre les habitants du quartier. Ces mêmes habitants avaient dénoncé l’inaction des pouvoirs publics face à l’état de délabrement des habitations et à l’absence de mises aux normes de sécurité des canalisations.


Catalogue

Ouvertures Algériennes, Créations Vivantes

Kader Attia, Khaled Belaïd, Farid Redouani, Samira Sahnoun, Zineb Sedira

2003

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Exposition

Ouvertures algériennes, créations vivantes

Kader Attia, Khaled Belaïd, Farid Redouani, Samira Sahnoun et Zineb Sedira

du 12 juin au 14 août 2003