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Colloque

PREAC

Anachronismes, références et documents : art contemporain et histoire des arts

auditorium des Champs Libres, Rennes


L’artiste contemporain n’est pas un artiste sans culture artistique étendue, et de nombreuses pratiques contemporaines se sont développées comme un rhizome pour reprendre les termes de Deleuze et Guattari : un mode de pensée et de création où l’organisation n’est pas hiérarchique, mais horizontale, une pratique qui peut ne pas avoir de centre et interroger aussi bien la peinture, le cinéma, la philosophie, la (les) sciences, le langage, les diverses techniques de communications, etc.

 Aussi, le contact des élèves avec l’art contemporain nous semble-t-il une piste pertinente pour l’enseignement de l’histoire des arts, que ce contact se fasse dans les lieux d’expositions de structures culturelles, ou sur le lieu de l’enseignement par le biais des galeries à vocations pédagogiques. Il rend possible la rencontre et le débat avec les artistes, il peut interroger les divers domaines de la pensée, en développant une réflexion sur la non hiérarchisation des modes d’expressions. Qu’importe la technique, ce qui compte c’est ce qui peut modifier notre rapport au monde, en corrigeant un oubli, ou en apportant un élément nouveau de compréhension.

Le pôle national art contemporain existe en Bretagne depuis 2002, associant des structures culturelles (directeurs et médiateurs) de l’association ACB (Art Contemporain en Bretagne) et de l’éducation nationale. Il a pour objet de mettre en place des temps de rencontre et de réflexion sur des problématiques conjointes liées à la transmission des savoirs (résidences d’artiste, médiation de l’œuvre, livres d’artistes, etc.). Un ouvrage, L’œuvre d’art contemporain et sa médiation a été édité en 2005, des temps de formation à public croisé, des journées et séjours d’étude sont organisés.

Le bulletin officiel de l’éducation nationale du 28 août 2008 concernant le nouvel enseignement histoire des arts conduit le pôle à réfléchir au rôle des médiateurs culturels et des enseignants pour répondre à la demande de cette circulaire. Cette année 2010 sera donc consacrée à la problématique « art contemporain et histoire des arts ».

Riches de leurs expériences, les structures culturelles considèrent que l’art contemporain, dans le champ de l’exposition et de la présentation des œuvres est une porte d’entrée pour s’emparer de ce nouvel enseignement qu’est l’histoire des arts.
À ce postulat, s’ajoute aussi celui nécessaire de la rencontre directe avec l’œuvre et les créateurs.

Pour ce colloque « art contemporain et histoire des arts », trois enjeux fondamentaux sont à développer.

Les usages de l’anachronisme

Un pan de l’histoire des arts s’élabore selon une histoire chronologique des formes et des styles artistiques. L’étude des œuvres d’art cultive alors les méthodologies et les notions de linéarité temporelle, progrès des formes, regroupement et classement des œuvres en époques et mouvements. Toutefois, quelques historiens de l’art tels Aby Warburg à l’aube du XXe siècle ou Georges Didi-Huberman de nos jours, s’attachent à concevoir des approches transversales des œuvres, notamment en insistant sur les usages anachroniques entre les formes et les concepts. Ce qui pouvait être perçu comme une « erreur » ou une « anomalie » dans l’analyse historique, devient désormais une des méthodologies possibles permettant des associations surprenantes entre des œuvres de temporalités et de contextes différents, générant des interprétations inattendues des œuvres de l’art.

Nous tenterons dans le cadre de ce colloque d’analyser comment l’étude des œuvres d’art contemporain peut se saisir de l’anachronisme. Appréhender, regarder, interpréter, une œuvre d’art contemporain c’est en révéler les ancrages temporels en pouvant se distancier des exigences de la linéarité historique. Notre rapport aux œuvres d’art contemporain permet-il de s’affranchir totalement de la question de la chronologie ? Un propos sur les œuvres fondé sur la notion d’anachronisme est-il possible ? En conséquence, par quels moyens, une œuvre peut-elle être appréhendée hors d’une linéarité chronologique et stylistique ?

La valorisation des références inhérentes aux œuvres

Les œuvres d’art sont construites à partir de contextes historiques, sociologiques, scientifiques ou psychologiques. Nourries de références diverses, plus ou moins évidentes, elles peuvent être des vecteurs de divers champs de la connaissance. Se saisir de ces références, revient à les énoncer, à les étudier et éventuellement à les exposer. Comment se saisir de ces références sans instrumentaliser ou compromettre l’intégrité de l’œuvre ? Comment aborder les références interdisciplinaires au sein d’un discours artistique ou dans le cadre d’une exposition ou publication ? Par quels moyens révéler les différentes facettes d’une œuvre ?

Les usages du document par les artistes et les commissaires d’exposition

Il est d’usage de penser qu’une œuvre et qu’une exposition d’art visent à offrir l’expérience esthétique d’un ensemble de formes agencées et associées entre elles dans l’espace. Mais qu’en est-il lorsque des œuvres et des expositions d’art contemporain sollicitent directement le document historique comme matière première à la forme de l’œuvre ou à la pratique de l’exposition ?

L’usage du document construit alors un dispositif, une forme et un discours critique sur les œuvres, leur contexte d’énonciation, leur rapport à l’histoire. Peut-on pour autant dire que l’expérience esthétique a disparu ou doit-on chercher à éprouver et à formuler cette expérience au moyen de nouveaux outils ?

Forts de cette constatation, il importe de questionner comment artistes et commissaires d’exposition pratiquent l’usage et l’appropriation de documents. Comment appréhender une exposition ou une œuvre construite à partir d’un document valant référence historique, trace d’une actualité ou document officiel ? Quel statut a le document lorsqu’il est partie prenante de l’œuvre ?